Là, tout de suite, je suis en train d’attendre qu’Adobe Acrobat ait fini de pré-traiter le PDF de la version eBook de L’Art de la Pose pour en faire une version ouvrable sous Microsoft Word, car voyez-vous il y a longtemps que, et j’ignore comment, les fichiers source ont disparu1.
Les réponses aux questions (bien légitimes) que vous vous posez peut-être sont : oui, j’envisage de reprendre ce texte pour en faire une version augmentée2, non, je n’ai pas assez de certitudes pour vous en dire plus. Et, oui, j’ai décidé de commencer à faire ça maintenant parce que j’ignore comment terminer mon roman jeunesse.
Mais bref, je revois cette superbe mise en page et tous ces méta-textes, et ça me rappelle qu’il y a un long moment que je pense à vous parler de mes rêves d’enfance et un peu d’adolescence. À ces âges, je m’autorisais (déjà, encore, avant que ça ne s’étouffe puis ne revienne) à m’imaginer autrice, et je ne savais pas encore ce que je pourrais raconter, ni même quelle forme ça prendrait, mais je voulais écrire. Et, quand je n’écrivais pas, ce qui se passait dans ma tête c’était ça :
Et je me rappelle que déjà petit·e, quand je ne savais même pas quel livre je voulais écrire, je fantasmais sur une page bien particulière de mon livre. Je l’écrivais et la réécrivais dans ma tête.
Je pouvais y passer des heures. Et cette page c’est celle-ci.
C’était la page des remerciements. À ma mère, À mes amours, À mon chat, À Mimi le petit agneau qui buvait au biberon, À telle autrice, sur cette page où l’on glisse parfois une phrase de Toni Morrison ou de Sylvia Plath, je voulais absolument trouver quelqu’un à remercier.
Or, à l’époque, je n’avais personne à remercier.
Et en 2017, j’avais des gens à remercier, mais vraiment pas autant que je le pensais.
Je crois que d’une certaine façon, mon obsession d’alors pour la page des remerciements était ma tentative de trouver un moyen, une place dans le monde. Si j’ai quelqu’un à remercier alors je ne suis pas seul·e, si je ne suis pas seul·e alors mon existence est… quoi ? Légitime ? Efficace ? Agréable ? Je ne suis jamais allé·e beaucoup plus loin que ça.
J’imaginais ce que ce serait d’avoir un entourage soutenant, peut-être parce que je ne m’étais pas mis dans la tête qu’avoir un entourage non-soutenant ce n’était pas la même chose que ne mériter aucun soutien.
Et donc, j’écrivais des remerciements à des gens qui n’étaient pas là, qui n’existaient pas ou peut-être pas encore. J’écrivais une lettre à destinataire différé comme Bellis Coldwine dans The Scar3, je remplissais la solitude de mon rêve trop grand pour moi.
Et je pense que c’est dommage.
Parce que, toutes ces années, ça m’a conditionné·e à chercher qui, alentours, pouvait bien être responsable de mes accomplissements. Il devait bien y avoir quelqu’un, vous voyez.
Il y avait quelqu’un, je ne dis pas le contraire.
Mais ce quelqu’un c’était moi.
Aussi importants que soient certains soutiens que j’ai eus alors, et que j’ai de plus en plus aujourd’hui, c’est quand même bien moi qui ai écrit ce premier livre (et les suivants).
C’est un fil d’équilibriste que celui qui s’étend entre le péril qui consiste à aller full développement personnel, seul le mental compte et au fait je suis de droite, et celui, inverse, qui va trouver des raisons de se dénier le moindre mérite en le diluant dans le contexte, quand bien même celui-ci aurait été hostile. C’est un peu compliqué de s’affirmer quand le mieux qu’on ait toujours espéré c’est de trouver quelqu’un à qui dire merci.
Mais c’est important.
Savoir d’où l’on parle, mais aussi, savoir que c’est bien nous qui parlons.
Annonce ! La semaine prochaine, je traiterai un sujet un peu sensible, à un moment où je n’ai pas nécessairement l’énergie de faire face aux conséquences d’un post public. C’est pourquoi j’ai choisi d’en parler dans la lettre payante, là où nous sommes encore plus entre nous qu’entre nous. Du coup, voici 20% de réduction pour le mois ou l’année qui vient !
Dit comme ça on dirait que j’ai volé le PAT de quelqu’un mais je vous promets que ce n’est pas le cas. D’ailleurs, si un vieux gars cis vient vous dire que c’était son idée et qu’il m’a “faite”, sachez qu’il y a déjà deux plaintes contre lui.
Une version où il n’y aura plus écrit “charges” au lieu de “cotisation”, déjà.
Eh non, je n’ai toujours pas fait mon deuil de cet échec cuisant.
Un excellent roman de huit cent pages signé China Miéville, vous ne me verrez pas souvent vanter des romans d’auteurs mais parfois il y a des pépites.
Ohlàlà c'était tellement touchant et bien écrit, j'ai pleuré.
La gratitude à soi même, cet exercice si compliqué. <3