J’ai recommencé à journaler, de loin en loin - c’est plus difficile quand la rigueur est déjà présente partout ailleurs, trouvé-je. Mais je trouve dans mon journal des choses que je ne trouve pas ailleurs, alors j’essaie quand même.
C’est notre mois, et voilà trois jours que je lis, écoute, observe les voix s’élever. Joyeuses pour la plupart, pleines de care aussi. C’est notre mois et je me demande si j’ai quelque chose à en dire, c’est-à-dire, qui n’ait pas déjà été décliné en slides instagram et threads twitter. Et là, tout de suite, je ne crois pas - parce que nous sommes plus nombreuxes que l’extrême-droite le souhaiterait sans doute.
Le mois dernier, qui était juste un mois, je l’ai passé à faire une repasse d’écriture sur l’un des romans qui me tiennent le plus à coeur. J’ai tué tellement de darlings que ça y est, un mandat d’arrêt a été délivré. Il devrait y avoir quelque chose à dire de cela. D’abord dans l’omniprésence des sembler et des peut-être que je croyais avoir déjà bien élagués, qui trahissent encore et toujours la personne afab, la personne queer qui sait qu’elle a le droit d’exister mais pas trop fort, pas trop de certitudes. Les certitudes appartiennent aux cis, aux hétéros, aux allosexuels et aux hommes qui sont tout cela à la fois. We’re careful out of fear, et quand j’efface les peut-être sans les remplacer et que j’affirme, je ne sais pas lequel des deux se dissout avec, mais le sang circule mieux.
Et puis il y a mes personnages dont on ne sait pas toujours bien ce qu’ils sont. Iels sont gays, bi, lesbiennes et non binaires, mais tout ça est secondaire. Si mon personnage tombe enceint avant de pouvoir signifier une transition, est-ce que je n’en ai pas fait une représentation hétéro ? Est-ce que j’ai trahi en laissant tant de garçons ? La trajectoire de mon personnage est comme la mienne - celle de quelqu’un qui a tant cherché à se faire une place - à s’intégrer - qu’elle s’en perd ou, dans mon cas, met du temps à se trouver. Aux deux, il reste l’espoir, les mots qui n’ont pas encore été écrits et qui pourtant se trouvent là, à la vue de tous.
La fille enfouie dans la peau qui lui ressemble pourrait être le début de la suite. Ça parlerait de combien c’est difficile de s’accrocher à qui l’on est quand on se cogne en permanence aux murs et tours de pensée d’autrui - ceux qui ont été plantés en nous. Ce serait si facile de se laisser effacer.
Pour ne pas nous effacer, je pourrais changer des choses - le genre de peu de personnages importe, dans cette histoire. Je pourrais en faire une cité d’amazones simplement en changeant quelques accords. Mais je crois aussi que c’est important de respecter ce livre pour ce qu’il est, de ne pas lui demander d’être tous les livres à la fois.
Je ne pense pas, profondément, avoir du temps devant moi. J’ignore combien d’autres romans je pourrai écrire avant que le changement climatique me rattrape. Mais je suis obligé·e de faire comme si, si je veux les respecter. Être pressé·e, essayer de tout caser en une fois c’est très bien pour mon anxiété et très mauvais pour mes textes. Ce roman est l’histoire d’une recherche, et je crois que le monde, le personnage et moi devrions chercher de concert. Alors oui - c’est plein de gars. Je parlais d’autre chose, je n’ai pas fait attention, j’ai voulu répartir mais ensuite il a fallu ajouter les méchants et tout s’est déséquilibré.
Mais il y a aussi ce personnage qui n’est que ça, qui n’a jamais rien été d’autre qu’un mec et tout le monde voit bien le problème et la bizarrerie de cela. Alors peut-être qu’en fin de compte tout le monde est non-binaire sans le dire.
Ce que je sais, c’est que je ne veux pas le dire d’une sur-couche de peinture finale. Je crois que l’inclusivité, c’est comme l’accessibilité - soit c’est par design, soit c’est du [Insérer la couleur correcte]-washing.
Alors je dirai plus tard, et quand je dirai, c’est que je serai prêt·e.
Prenez soin de vous :)