Je me rappelle d’un jour où j’étais en train de faire du stop sur une bretelle d’autoroute à la sortie d’Hambourg et où, pour passer le temps, j’étudiais les expressions faciales et signes extérieurs de classe sociale des personnes qui ne s’arrêtaient pas. J’ai même commencé à composer une petite chanson, type comédie musicale1.
Je ne l’ai pas terminée, mais j’ai pris des notes et pendant un bon quart d’heure, j’ai envisagé d’intégrer cette chanson en (non-)devenir à la scène de stop de la suite de Sans Vouloir vous Déranger. D’aucuns me feront remarquer que, tout de même, l’écriture de soi ce n’est pas la vraie écriture, un peu de créativité que diable. Je suis dans le camp opposé : j’adore piocher et cueillir des morceaux de vraie vie et m’en servir comme carburant. Parfois le résultat laisse à voir le matériau d’origine, parfois non2.
Et parfois il se passe quelque chose (ou, juste, j’ai une idée. Je vous jure, ça arrive aussi) dont je sais qu’il faut que je crafte… et là, c’est le drame. Que j’en fasse quoi ?
Une bonne partie du plot de The Yggdrasil Network était destinée à un court-métrage, que j’ai laissé tomber quand j’ai réalisé que j’avais en fait été en train de développer parallèlement deux branches (c’est le cas de le dire) de la même histoire. Il m’est arrivé de devoir traduire du scénario de BD en prose et vice-versa, et bien sûr, toutes mes scènes de salon de thé, de spin-of de SVVD, sont devenues la base de mon premier jeu.
Je trouve ça vraiment drôle et intéressant, d’examiner la façon dont une idée prend une forme ou une autre après qu’elle nous a frappés. Parce que nous ne développons pas les mêmes choses suivant le médium que nous utilisons ; c’est pour ça qu’attendre d’une adaptation qu’elle soit fidèle avant tout le reste ne devrait pas tant tenir aux considérations de il manque tel personnage mais bien davantage au message général véhiculé.
Enfin, c’est mon avis.
Et puis, il y a les histoires déjà formées, tout entières, que nous gardons à l’intérieur de nous en attendant de savoir dans quel écrin elles auront leur place. Et la joie qui nous saisit quand nous trouvons enfin leur forme.
En tout cas, je trouve toujours enrichissant le temps que je perds à passer d’une forme à l’autre. Parce que, même si je ne garderai pas cette forme, les aspects humoristiques que j’aurai travaillés en en faisant “une scène de websérie” resteront en moi quand j’écrirai la version roman. À l’inverse, avoir écrit en prose une scène informera l’élaboration du script d’une profondeur que, peut-être, je n’aurais pas trouvée en amont.
Et vous, votre dernière scène ?
Écoutez, oui, c’était juste après le Belarus et j’étais en pleine période Crazy Ex-Girlfriend.
Je vous renvoie à la théorie du blender telle qu’expliquée par Amanda Palmer dans The Art of Asking.